Brève introduction aux Neurosciences Computationnelles

Illustration

Le cerveau humain intrigue depuis longtemps bien des esprits. Hippocrate
père de la médecine occidentale – voyait déjà le cerveau comme responsable de
nos sensations
et siège de notre intelligence[1].

Aujourd’hui, notre vision des choses a bien changé. Vulgairement, le cerveau
peut être décrit comme un réseau de neurones ou un réseau de clusters de
neurones
qu’il serait possible de représenter par la théorie des
graphes
.

Graph Theory

Fig1. Illustration de la théorie des graphes.

Ici, chaque neurone est représenté par un nœud (node ou vertex). Chaque
vertex est relié avec un autre par ce que l’on appelle un edge,
matérialisant alors axones et dendrites.

Chaque cluster (les groupes distinguables sur le graphe) pourrait alors
représenter un module impliqué dans la réalisation d’une ou plusieurs
tâches
comme la vision, l’olfaction ou autre.

Ce réseau est flexible et variable par le principe de plasticité cérébral :
des vertex peuvent disparaître ou apparaître au même titre que pour les
edges.

Notre vision des choses à bien changé depuis l’antiquité, mais plusieurs
millénaires n’ont pas suffi. Beaucoup de mystères restent à élucider.


Cerveaux et modélisations

Pour décrire le cerveau dans l’introduction, j’ai utilisé un modèle.

C’est en partie le but des neurosciences computationnelles : créer des modèles
capables de réaliser des « tâches cognitives »
[2]. Modèles appelés
brain-computational models (BCM).

Allen Newel[3] fut l’instigateur de cette discipline en remettant en question
la capacité à comprendre le cerveau en ne répondant qu’à une hypothèse à la
fois. Selon Newell, il fallait complémenter ces hypothèses par des modèles de
sorte à pouvoir comprendre les interactions entre les différents composants
.

“What I cannot create, I do not understand.” – Richard Feynman.

Était-ce dès lors les prémices de l’Intelligence Artificielle ?

Un organe, plusieurs modèles

À l’heure actuelle, la quasi-totalité des aires cérébrales sont répertoriées et
décrites, notamment à l’aide de la Brain Analysis Library of Spacial maps and
Atlases (BALSA)
[4] bien que le traitement de l’information reste une relative
boîte noire
.

Le challenge de la neuroscience computationnelle est alors de créer des
algorithmes
de traitement de signal consistants avec la structure et les
fonctions cérébrales
, c’est-à-dire décomposer des processus cognitifs
complexes et les matérialiser en modules de computation
[2].

Le modèle bayésien en est un bon exemple, modélisant la manière dont le cerveau représente le monde physique et social.

Selon N. Kriegeskorte et P. K. Douglas (2018), les sciences cognitives ont
besoin des neurosciences computationnelles
pour mettre au point des
algorithmes et des modèles expliquant et prédisant les dynamiques cognitives et
comportementales
, les données comportementales à elles seules ne permettant
pas la définition de cadres pour les modèles complexes
.

Si des modèles computationnels peuvent expliquer la cognition humaine et
animale
, le Machine Learning et l’Intelligence Artificielle sont des
disciplines clés pour procurer un cadre théorique et technologique nécessaire
aux neurosciences computationnelles[2].

La neuroscience computationnelle quant à elle se voit stimulée par les
sciences cognitives
, poussant à des niveaux de cognition de plus en plus
élevés en utilisant le Machine Learning (ML) et l’Intelligence Artificielle
(IA)
comme bases théoriques et technologiques.

Les progrès dans les deux disciplines provoquent parallèlement par la nature de
leurs travaux, une amélioration des technologies liées au ML et à l’IA,
permettant par exemple la reconnaissance faciale ou reconnaissance des objets
par implémentation de réseaux de neurones
.

Ces trois champs sont donc intrinsèquement liés (Fig2.).

Fig2

Fig2. Rôles des modèles computationnels. Adaptation de N. Kriegeskorte et P. K.
Douglas (2018).

La création de modèles au service de tous

Créer un modèle cérébral nécessite d’établir des liens solides entre la
théorie et les expérimentations
. Il serait naturel de se dire qu’un modèle,
bien que fonctionnel, pourrait ne pas représenter la réalité, mais une manière
alternative parmi tant d’autres pour atteindre un but similaire.

Il est cependant possible à partir des approches computationnelles de réaliser
des prédictions
. D’un point de vue probabiliste, si le modèle prédit
correctement les comportements et réactions d’un cerveau animal ou humain, il
se pourrait qu’il soit plus proche de la réalité que d’autres modèles moins
performants
.

Il s’agit là d’une approche Top-Down : le modèle (Top) permet de
prédire les comportements vérifiables par des données expérimentales
(Down) en capturant les processus cognitifs par algorithmes, relayant la
biologie au second plan
.

On parle aussi d’approches Bottom-Up quand les données (Bottom)
servent à établir un modèle (Up) en capturant les caractéristiques
biologiques de réseaux, relayant les fonctions cognitives au second plan
[2].

Par exemple, des données Imagerie par Résonnance Magnétique fonctionnelle
(IRMf) sont traitées par une matrice de corrélations pour établir des
réseaux par la théorie des graphes
. Des cartes sont alors créées mettant au
jour des graphes multipolaires
: différentes zones cérébrales interconnectées
pour traiter un signal quelconque
.

Un cas concret pourrait être le réseau du mode par défaut dont je vous parlais
il y a quelques mois.

Conclusion

La neuroscience computationnelle a pour vocation d’établir des modèles,
des algorithmes
utilisés à la fois dans le domaine des sciences
informatiques
(Machine Learning, IA, etc.), mais aussi dans les sciences
cognitives
en réalisant des liens entre les données
expérimentales/comportementales et les réseaux de neurones/clusters
sous-jacents
.

Cependant, les modèles Top-Down sont difficiles à mettre en relation avec les
processus biologiques,
là où les modèles Bottom-Up expliquent difficilement
le traitement de l’information.

Il est donc nécessaire d’utiliser plusieurs modèles pour appréhender cet organe
et son fonctionnement, notamment en combinant les approches Top-Down et
Bottom-Up.

Fig3.

Fig3. Représentation schématique des modélisations Bottom-Up et Top-Down, N.
Kriegeskorte et P. K. Douglas (2018).

Encore de belles années de recherche devant nous !

Références

[1] *Demystifying the brain*. New York, NY: Springer Berlin Heidelberg, 2018.

[2] N. Kriegeskorte and P. K. Douglas, “Cognitive computational neuroscience,”
*Nat. Neurosci.*, vol. 21, no. 9, pp. 1148–1160, Sep. 2018.

[3] A. Newell, “You can’t play 20 questions with nature and win: Projective
comments on the papers of the Symposium,” in *Visual Information Processing*,
Elsevier, 1973, pp. 283–308.

[4] D. C. Van Essen *et al.*, “The Brain Analysis Library of Spatial maps and
Atlases (BALSA) database,” *NeuroImage*, vol. 144, pp. 270–274, Jan. 2017.

[5] Scott E. Page, *"The Model Thinker"*, 2018.

Table des illustrations

-   Illustration. Clement Poiret, CC BY-SA 4.0,

-   Fig1. Goel (Wikipedia), CC BY-SA 4.0,

-   Fig2. Clément Poiret, CC BY-SA 4.0,

-   Fig3. N. Kriegeskorte et P. K. Douglas, CC BY-SA.

Pour aller plus loin


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